Jorfaoui Zineb, doctorante, Discipline Sociologie, Université Abdelmalek Essaadi Tétouan, Maroc. jorfzineb@gmail.com
Summary in English: This piece argues that in the Anthropocene, sociology must interrogate how global agendas shape local realities, often producing injustice. Using the example of renewable energy projects in North Africa, it shows how transitions marketed as “green” frequently prioritise international investors over local populations, leading to land dispossession, displacement and the erosion of rural identities. Legal procedures obscure the lack of genuine moral consent, while communities experience fragmentation and must reconstruct new forms of identification. Jorfaoui Zineb calls for knowledge rooted in lived experience, attentive to power asymmetries, and capable of revealing how global utility is built on the sacrifice of local well-being.
l’ISA Forum of Sociology 2025 est l’un des événements capitaux organisé dans la région maghrébine, et plus particulièrement dans un pays connu pour être au carrefour des civilisations de la Méditerranée, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Au Maroc, Rabat a réuni des sociologues du monde [1]:
ü un nombre totalisant 4842 chercheurs et chercheuses dont 57% de sexe féminin, 37% masculin et 1261étudiant(e)s
ü multiple nationalité dont les plus représentatives (celles ayant dépassées centaine): 432 de l’Italie, 391 de l’Allemagne, 358 de l’USA, 290 de R.U, 241 de l’Espagne, 202 de la France 196 du Maroc (dont 36% étudiant(e)s), 191 de l’Inde, 167 de Brésil, 155 de Canada, 123 de Mexique, 118 de la Turquie, 117 de la Polande, 103 de l’Australie.
« Connaitre les Justices dans l'Anthropocène », une thématique provocatrice et qui doit interpeller le sociologue au quotidien et dans son quotidien plus que les autres. Tout d’abord la connaissance doit être situer dans son contexte d’intérêt : à qui profite cette connaissance ? Si ce n’est pour l’homme et son bien être en abstraction des normes construites, ordonnées, institutionalisées et imposées par le pouvoir des hommes. Un pouvoir trouve sa légitimité dans le silence relatif de l’homme qui se transforme en silence absolu de l’homme et manifeste la complicité de l’homme. Un homme qui réclame son individualisme et revendique son collectivisme, ses origines ses affiliations ses appartenances. Face à des hommes au sens institutionnel s’il faut le préciser : structure, système, ordre, ceux qui expriment un engouement illimité sur des espaces à ressources limitées et malgré les chiffres affichés à différents échelles. Extraire, exproprier, produire, industrialiser créer de la valeur ajoutée et contribuer à la quantification des grandeurs macroéconomiques et le rayonnement à l’échelle planétaire. Un homme à qui une connaissance profonde de son dedans, connait sa terre même désertique à travers son usage, où la valeur d’usage échappe aux comptes d’échange. Une connaissance spatiale et sociale est le produit de son vécu qui façonnait son identité fractionnelle, communautaire, tribale et même personnelle.
A quoi sert la sociologie ? elle ne servira à rien si l’homme entant qu’expérience personnelle et collective -ses récits, sa mémoire ses dits et contre dits, son silence et son agir et son processuel évolutionniste- est prise dans une seule réalité à la marge de l’ordre des structures des hommes. Tandis que le « scientifiquement utile » peut rejoindre le « socialement utile », les raisons de cette alliance ne doit nécessairement pas assouvir l’intention des hommes aveuglés par le sens commun et l’intérêt personnel 2. Si le sociologue s’est enfermé dans le modèle scientifique durkheimien et ne constitue pas la réalité qu’à la limite des chiffres autorisés à l’exploitation, les images partiellement diffusées et documentations à explorer sous enseignements d’applaudir. Comme Durkheim était un citoyen et un politique il se cachait derrière Durkheim savant, le premier se vouant à la science, le second voulant en tirer des enseignements pour le bon fonctionnement de la société 2. Le sociologue qui se lance dans sa recherche doit se déterminer par rapport à sa position, il est d’abord un citoyen appartenant aux hommes ou à l’homme, sa position vis-à-vis les phénomènes sociaux auxquels a été exposé doit être claire et nette. Malgré les batails ontologiques pour mesurer la fameuse distance -jamais atteinte- vis-à-vis son objet de recherche, la maniaque objectivité, son devoir de poser le doigt sur la justice dans les injustices ou les injustices dans la justice parait accablant.
La vie dans l’anthropocène est une évidence que nul ne peut dénier. L’anthropocène est devenu l’univers d’actuel tremplin d’un futur lointain ! C’est un espace qui est socialement produit si on privilège la démarche lefebverienne de critique de l’espace. C’est un conçu des hommes stratèges, le perçu des techniques, et le vécu de l’homme par son usage au quotidien. Un processus dialectique à l’infini. Bien que l’espace socialement généré est localisé géographiquement, le global et le local furent un modèle. Deux espaces qui s’articulent entre eux mais qui génèrent des résultats différents selon la localisation géopolitique et historique des sociétés. Un local où l’homme doit être la finalité ultime de la machine sociétale en profitant des retombés de la machine globale. Mais comment allier entre le dedans (local) et le dehors (global) ? si cette alliance sera majoritairement limitée davantage pour l’utilité planétaire en écoutant l’utilité scientifique, l’utilité sociale doit prendre en charge l’utilité localement publique. Tel qu’il est le cas des pays « en course pour le développement ».
Le rapport Greenpeace Moyen-Orient et Afrique du Nord intitulé « De la sécurité énergétique à la souveraineté : trajectoires de transition juste en Égypte, en Tunisie et au Maroc » alerte sur le fait que la transition énergétique au Maroc, en Tunisie et en Égypte privilégie les intérêts des investisseurs internationaux et des marchés européens, au détriment des bénéfices concrets pour les populations locales et du renforcement de la souveraineté nationale sur les ressources 3 .Le rapport indique que « les projets d’énergies renouvelables développés dans la région restent soumis à une logique du profit et des marchés extérieurs, reproduisant ainsi les mêmes déséquilibres de pouvoir qui ont caractérisé des décennies de dépendance aux combustibles fossiles » 4.
La connaissance à laquelle sont appelés les sociologues ce n’est pas juste la recherche selon les méthodes scientifiques héritées à l’itinéraire d’une charte conventionnelle de la logique des liens entre le global et le local. L’intérêt est d’évoquer le « comment » sur une large sphère spatiale et sociale « lieux des projets » est un lieu de vécu de l’homme, doit assumer et subir les implications des actions étroitement tissées localement pour en rayonner à l’extérieur ? Limitons nous à la seule partie de la phrase concernant les projets de l’énergie renouvelable, pour répondre aux exigences de décarbonation « conventionnées » à l’échelle global, afin de favoriser une production verte sur toute la chaîne de valeur. Des projets verts, instaurés sur des territoires souvent considérés ruraux, alors que la ruralité est une vie sociale sur un espace produit par les paysans et pour leurs bien être. Des hommes ont choisi par leur plein gré de vivre à un mode de vie hérités par le transfert de la propriété de la terre. La terre est le sol est le foncier, un espace naturel source de toutes les ressources, la terre est l’objet de tous les symboles, est le contenu du collectif .
Le collectif (ancien, actuel, potentiel) dépossédé de sa propriété privée de son sol peu importe la procédure juridique d’acquisition ou d’expropriation, il est exposé bien évidemment à la dispersion et la disparition sans que l’indemnisation soit d’une valeur à la compensation. Le déplacement involontaires , la dispersion violente et la disparition du collectif est assimilée à une génocide organisée à défaut du consentement moral. Un consentement co-construit entre les parties, après consultation des ayant droits, les propriétaires des sols ciblés pour localiser les projet à utilité global, où la co-construction doit être un matériau de succès tant qu’au local qu’au global. A défaut du consentement moral qui ne peut pas être occulter par la loyauté des procédures juridiques et jugements judiciaires, l’utilité globale demeure une dissimulation à l’utilité locale. A cet effet, un processus de ruralité exprimant le mode de vie d’un collectif opprimé est largement observable dans les périmètres de l’urbanité, un urbain qui se ruralise en continu par des pratiques qui réclament l’invisibilité politique par la visibilité sociale. Les chariots à mulet à âne reconfigurent le paysage de la ville au quotidien.
En revanche le collectif avait une identité, celle de leurs fractions entre les bras de la tribu. L’emblème onomastique constitue un élément fondamental de l’identité de la fraction qui s’approprie d’un territoire des ancêtres. L’héritage est une terre, pour la sécurité la stabilité l’enracinement et l’histoire. « Mais que reste à raconter à nos successeurs en diaspora ! », crie un vieux témoin des drames des déplacements forcés au motif de l’utilité global. Le vieux a tenté de rivaliser ses racines par le seul moyen qui lui reste est l’écriture, faisant appel à sa mémoire pour restituer les chocs, les troubles, et le traumatisme des années 80-90. La fraction a été dispersé, la tribu a été détruite sans retour. Le vieux a pu trouver sa consolation dans le recensement des membres de sa fraction de haut en bas en esquissant l’arbre généalogique de sa fraction contre l’oubli.
Le collectif sera caractérisé par des traits traduisant les actions auxquelles sont frappées : la privation de la terre, le déplacement involontaire, compensation médiocre, ce qui se traduit par un processus de déracinement. Ce collectif nous doit une identification devant une identité perdue. Cette identification est à l’expression de S. Freud : « premièrement l’identification constitue la forme la plus primitive de l’attachement affectif à un objet ; deuxièmement, à la suite d’une transformation régressive, elle prend la place d’un attachement libidinal à un objet, et cela par une sorte d’introduction de l’objet dans le moi ; troisièmement, l’identification peut avoir lieu chaque fois qu’une personne se découvre un trait qui lui est commun avec une autre personne, sans que celle-ci soit pour elle un objet de désirs libidineux. Plus les traits communs sont importants et nombreux, et plus l’identification sera complète et correspondra ainsi au début d’un nouvel attachement » 5 . C’est vrai que Freud n’a pas définit son concept sur la base d’un conflit, mais tend à défendre un horizon ouvert à la subjectivité à partir des traits communs issus d’expériences collectives et éducationnelles 6.
En fin dans une logique de structurer l’utilité globale par le sacrifice de l’utilité locale, un homme est déraciné de ses origines afin de faire preuve d’une loyauté pervers aux normes prescrites par des hommes. Comment peut on établir une connaissance juste et parfaite des injustices dans l’anthropocène où les économies politiques légitiment le déracinement local pour s’enraciner à l’univers du global?
Références :
1. https://al3omk.com/1120631.html Accédé: 07/12/2025
2. François de Singly (2002): « La sociologie, forme particulière de conscience », Co-auteur : Bernard Lahire dans « à quoi sert la sociologie ? », Ed. La Découverte & Syros, Paris.
3. https://al3omk.com/1120631.html 07/12/2025
4. https://www.greenpeace.org/mena/ar/ 07/12/2025
5. Sigmund Freud (1920) : « Psychologie collective et analyse du moi », Ed. Payot, p.40.
6. Wael Guerouani (2022) : « Harga et Désir d’Occident Étude psychanalytique des migrants clandestins tunisiens », Ed. Nervana, p.27
